Il y a des sensations que seule l'ornithologie procure. Dans sa nouvelle formule, Ornithonord-Skua donne désormais la parole aux découvreurs de raretés, afin qu'ils puissent partager leurs découvertes, leurs sensations, leurs émotions, avec leurs propres mots. Aujourd'hui, place à Ludo Traon, dont l'équipe en lice pour le big day,a clôturé sa liste de coche par une espèce pour le moins inattendue ce Vendredi 8 Mai 2015... Pour la mise en ambiance, mettez le son assez fort, et cliquez sur play ci-dessous... (son © François Comps)
"C’était à Hondschoote, près de Dunkerque, dans la plaine de Flandres, un soir de mai. Le soleil venait de nous quitter et un acteur inespéré n’allait plus tarder à entrer sur scène.
"C’était à Hondschoote, près de Dunkerque, dans la plaine de Flandres, un soir de mai. Le soleil venait de nous quitter et un acteur inespéré n’allait plus tarder à entrer sur scène.
Sur le pont depuis 2 heures du
matin et notre départ du Lac du Héron, nous avions passé toute la journée à
arpenter la région : de Clairmarais à la baie de Canche, du Mont
Saint-Frieux au port de Boulogne. Puis, remontant la Côte d’Opale en passant
par l’incontournable Cap Gris-Nez (et sa coche du Scalabre à lunettes), nous
terminions notre grand tour par les zones humides de l’arrière-pays
dunkerquois. Dame Nature nous avait déjà comblé et le plaisir ne se
limitait pas à une morne litanie de coches sur une liste de courses. Ce plaisir
était constitué d’ambiances matinales, de sensations, de rencontres, de scènes
insolites, d’un son et lumière en perpétuel mouvement et, par-dessus tout, de
la beauté du ciel vu par le toit panoramique de la voiture d’Olivier. Parmi tous
ces plaisirs se dégageaient notamment ce Hibou Moyen-Duc surpris à l’aube au marais
du Romelaëre, cet improbable duo de Butor étoilé et Bihoreau gris se déplaçant
ensemble, ces Grands Corbeaux faisant passer les Choucas pour de vulgaires
nains, ce Busard Cendré semblant planer nonchalamment ou ce cortège de Hérons Garde-Bœufs quittant leur dortoir…
C’était à Hondschoote. Quentin
venait enfin de se libérer d’un poids en cochant le Colombin. Il est vrai que
le besoin était impérieux, tant manquer ce volatile commun eut été dommageable
à notre quête. Olivier nous avait également permis d’ajouter la Perdrix grise -
espèce des plus communes mais qui nous fuyait jusqu’alors - portant notre
compteur au seuil symbolique des 150 coches. Le compteur avançait maintenant
très lentement, faute de combattants… Barge à queue noire, 151… Canard Pilet,
152… Combattant Varié, 153… Bécassine des marais, 154… Caille des blés, 155… Et
puis voilà. C’était tout. Le rideau tombait sur le formidable spectacle de la
nature, qui se donne à qui veut bien l’observer et l’écouter. Nous avions fait
notre deuil du Roitelet à triple bandeau, du Cochevis huppé, de la Mouette
pygmée, du Pluvier guignard et du Cormoran huppé… et tant d’autres encore. Mais
nous étions néanmoins rassasiés, repus. Enfin, presque… Car, même au crépuscule
d’un repas gargantuesque, il y a toujours encore un peu de place pour un
dessert attrayant. Le rideau de scène était certes tombé
mais un rappel inopiné allait l’ouvrir à nouveau pour le bouquet final.
C’était à Hondschoote donc, un
soir de mai. L’oreille d’Adrien fut attirée par un cri. Un Canard souchet. Sans
doute. Enfin probablement. Et puis, non, ça ne peut pas être cela. Mais alors
quoi ? L’esprit s’emballait et tournait mentalement les pages de l’encyclopédie
ornithologique. Par élimination et déduction, un suspect se dégagea et un nom
se vit avancé : la Bécassine Double ? Un enregistrement du chant de
ladite bestiole fut rapidement trouvé sur un téléphone portable, consciencieusement
mémorisé… Et comme en écho, la pénombre répondit soudain à l’identique. Je ne
saurais alors juger du spectacle le plus saisissant : des sauts de cabris
du découvreur lorsque le doute ne fut plus permis ou des sauts de la Bécassine
Double lors de sa parade nuptiale. (*)
Les lunettes d’observation que
nous pensions remisées définitivement, furent vite ressorties. Les étoiles
commençaient à agrémenter la scène d’un décor féérique. Nous profitions alors
pleinement du spectacle d’ombres chinoises, Monsieur Bécassine ne ménageant pas
ses efforts pour affirmer sa présence, si infime dans le cosmos mais si
prégnante pour nos yeux écarquillés et nos tympans frémissants.
C’est Hondschoote que nous
quittions enfin, ivres de ce songe d’une nuit de printemps. J’ai ouï-dire que
certains passèrent les soirs suivants et accompagnèrent leur ivresse
ornithologique par quelques dives bouteilles".(**)
(*) à moins que ce ne soit les yeux embués d’émotion de
Quentin devant la découverte du toit panoramique d’Olivier.
(**) avec modération selon l’expression consacrée.
L.Traon
Bien évidemment, la bête a attiré quelques ornithos locaux, et la soirée du Dimanche suivant la découverte restera pour beaucoup d'entre eux, un très grand moment d'ornithologie et de partage.