mardi 12 mai 2015

The Big Double Day - Mai 2015

Il y a des sensations que seule l'ornithologie procure. Dans sa nouvelle formule, Ornithonord-Skua donne désormais la parole aux découvreurs de raretés, afin qu'ils puissent partager leurs découvertes, leurs sensations, leurs émotions, avec leurs propres mots. Aujourd'hui, place à Ludo Traon, dont l'équipe en lice pour le big day,a clôturé sa liste de coche par une espèce pour le moins inattendue ce Vendredi 8 Mai 2015... Pour la mise en ambiance, mettez le son assez fort, et cliquez sur play ci-dessous... (son © François Comps)



"C’était à Hondschoote, près de Dunkerque, dans la plaine de Flandres, un soir de mai.  Le soleil venait de nous quitter et un acteur inespéré n’allait plus tarder à entrer sur scène.

Sur le pont depuis 2 heures du matin et notre départ du Lac du Héron, nous avions passé toute la journée à arpenter la région : de Clairmarais à la baie de Canche, du Mont Saint-Frieux au port de Boulogne. Puis, remontant la Côte d’Opale en passant par l’incontournable Cap Gris-Nez (et sa coche du Scalabre à lunettes), nous terminions notre grand tour par les zones humides de l’arrière-pays dunkerquois. Dame Nature nous avait déjà comblé et le plaisir ne se limitait pas à une morne litanie de coches sur une liste de courses. Ce plaisir était constitué d’ambiances matinales, de sensations, de rencontres, de scènes insolites, d’un son et lumière en perpétuel mouvement et, par-dessus tout, de la beauté du ciel vu par le toit panoramique de la voiture d’Olivier. Parmi tous ces plaisirs se dégageaient notamment ce Hibou Moyen-Duc surpris à l’aube au marais du Romelaëre, cet improbable duo de Butor étoilé et Bihoreau gris se déplaçant ensemble, ces Grands Corbeaux faisant passer les Choucas pour de vulgaires nains, ce Busard Cendré semblant planer nonchalamment ou ce cortège de Hérons Garde-Bœufs quittant leur dortoir…
C’était à Hondschoote. Quentin venait enfin de se libérer d’un poids en cochant le Colombin. Il est vrai que le besoin était impérieux, tant manquer ce volatile commun eut été dommageable à notre quête. Olivier nous avait également permis d’ajouter la Perdrix grise - espèce des plus communes mais qui nous fuyait jusqu’alors - portant notre compteur au seuil symbolique des 150 coches. Le compteur avançait maintenant très lentement, faute de combattants… Barge à queue noire, 151… Canard Pilet, 152… Combattant Varié, 153… Bécassine des marais, 154… Caille des blés, 155… Et puis voilà. C’était tout. Le rideau tombait sur le formidable spectacle de la nature, qui se donne à qui veut bien l’observer et l’écouter. Nous avions fait notre deuil du Roitelet à triple bandeau, du Cochevis huppé, de la Mouette pygmée, du Pluvier guignard et du Cormoran huppé… et tant d’autres encore. Mais nous étions néanmoins rassasiés, repus. Enfin, presque… Car, même au crépuscule d’un repas gargantuesque, il y a toujours encore un peu de place pour un dessert attrayant. Le rideau de scène était certes tombé mais un rappel inopiné allait l’ouvrir à nouveau pour le bouquet final.

C’était à Hondschoote donc, un soir de mai. L’oreille d’Adrien fut attirée par un cri. Un Canard souchet. Sans doute. Enfin probablement. Et puis, non, ça ne peut pas être cela. Mais alors quoi ? L’esprit s’emballait et tournait mentalement les pages de l’encyclopédie ornithologique. Par élimination et déduction, un suspect se dégagea et un nom se vit avancé : la Bécassine Double ? Un enregistrement du chant de ladite bestiole fut rapidement trouvé sur un téléphone portable, consciencieusement mémorisé… Et comme en écho, la pénombre répondit soudain à l’identique. Je ne saurais alors juger du spectacle le plus saisissant : des sauts de cabris du découvreur lorsque le doute ne fut plus permis ou des sauts de la Bécassine Double lors de sa parade nuptiale. (*)

Les lunettes d’observation que nous pensions remisées définitivement, furent vite ressorties. Les étoiles commençaient à agrémenter la scène d’un décor féérique. Nous profitions alors pleinement du spectacle d’ombres chinoises, Monsieur Bécassine ne ménageant pas ses efforts pour affirmer sa présence, si infime dans le cosmos mais si prégnante pour nos yeux écarquillés et nos tympans frémissants.

C’est Hondschoote que nous quittions enfin, ivres de ce songe d’une nuit de printemps. J’ai ouï-dire que certains passèrent les soirs suivants et accompagnèrent leur ivresse ornithologique par quelques dives bouteilles".(**)
(*) à moins que ce ne soit les yeux embués d’émotion de Quentin devant la découverte du toit panoramique d’Olivier.
(**) avec modération selon l’expression consacrée.

L.Traon

Bien évidemment, la bête a attiré quelques ornithos locaux, et la soirée du Dimanche suivant la découverte restera pour beaucoup d'entre eux, un très grand moment d'ornithologie et de partage.



 Bécassine double
Photos © Marc Roca

[censuré]
 Milieu de la Bécassine double
Photo © Christophe Legrand

[censuré]
Un grand moment d'ornitho
Photo © Christophe Legrand